LA Démodécie canine
DEMODECIE CANINE |
La démodécie canine est une ectoparasitose fréquente,
voire banale, chez le jeune chien de moins de un an.
Elle se caractérise,
soit par une forme localisée, associant un érythème cutané et une alopécie
diffuse ou nummulaire localisés à la tête et aux membres antérieurs, soit par
une forme généralisée, le plus souvent accompagnée d'une complication de
pyodermite (pyodémodécie).
Les chiens de toutes races sont sujets à la
démodécie, cependant certaines races semblent prédisposées.
Le pronostic
de la forme généralisée reste sombre, et le traitement difficile, tandis que la
forme localisée évolue spontanément vers la guérison dans environ 80 % des
cas.
Le diagnostic nécessite la mise en oeuvre d'examens complémentaires,
notamment l'observation des parasites après un raclage cutané.
La
prophylaxie est quasi inexistante, cette parasitose étant d'étiologie
multifactorielle, et basée sur l'existence d'une prédisposition héréditaire
associée à des facteurs déclenchants.
La démodécie canine est due à la
présence et à la prolifération dans les follicules pileux, accessoirement dans
les glandes sébacées, d'un acarien appelée Demodex canis. La démodécie
est aussi appelée démodicose, démodexose, acné parasitaire,
ce terme faisant référence à l'observation de pustules blanches sur la face des
jeunes chiens. Elle est parfois qualifiée de gale démodécique ou de
gale rouge. Ces termes sont inexacts puisque les Demodex ne sont pas des
agents de gale, et la démodécie n'est ni contagieuse ni
prurigineuse.
Demodex canis est spécifique du chien et ne peut
parasiter d'autres mammifères, tels que le chat, ou l'homme. Elle n'a donc pas
de conséquences zoonosiques.
La démodécie est une grave dermatose du
jeune chien, car elle se généralise et se complique d'une infection bactérienne
dans environ 20 % des cas. Le traitement en est alors long, généralement de
plusieurs mois, et les rechutes fréquentes. L'importance est également
économique car le traitement est coûteux. Certains reproducteurs transmettent
une prédisposition génétique et vont par conséquent engendrer des lignées de
chiots démodéciques. Il est parfois conseillé de les retirer de la
reproduction.
La démodécie est une acariose rare avant 3 mois et après 3
ans, généralement observée avant 1 an. Elle est diagnostiquée sur des chiens
adultes, mais des facteurs prédisposants et des maladies associées doivent alors
être recherchées (cushing, hypothyroïdie…).
Demodex canis est un acarien au corps
vermiforme, aux pattes atrophiées et regroupées en portion antérieure. Ces
arthropodes mesurent 250 x 40 µm pour les femelles, 150 µm de long pour les
mâles. Les immatures, larves et nymphes, ont le même aspect général, mais un
abdomen plus court. Ils sont facilement visibles sur des produits de raclages
cutanés.
D. canis vit dans les follicules
pileux, accessoirement les glandes sébacées. Il se trouve habituellement dans le
tiers supérieur du follicule, qu'il envahit complètement lors de sa
prolifération. Il se nourrit de sébum, ce qui explique que la séborrhée soit
très favorable à son développement. Les animaux atteints se lèchent fréquemment,
des acariens peuvent ainsi être observés lors d'examens coproscopiques. Retenons
qu'ils ne survivent que dans les follicules pileux.
Les femelles
localisées le long des poils, dans les follicules, pondent des œufs fusiformes
(80 x 30 µm). Ces derniers éclosent en 2,5 jours et libèrent une larve hexapode
vermiforme. Ces dernières se métamorphosent en protonymphes hexapodes en 1 à 2
jours, qui elles-mêmes deviennent en 3 jours des deutonymphes octopodes,
morphologiquement proches des adultes, exceptées par la longueur de l'abdomen.
Les deutonymphes sortent du follicule avec le sébum et constituent le stade de
dissémination à d'autres follicules pileux. Elles deviennent adultes en 24 à 36
heures.
L'accouplement est rapide, les mâles meurent, tandis que les
femelles fécondées descendent dans un follicule. La durée totale du cycle est de
8 à 14 jours. Les femelles vivent 4 à 6 jours dans les follicules. Les
deutonymphes persistent 24 à 48 heures sur la peau. La démodécie canine n'est
pas contractée par l'intermédiaire du milieu, dans lequel les acariens ne
survivent pas plus de quelques heures.
Source de
parasites
Environ 50 % des chiens
adultes sont porteurs sains. Les Demodex sont parfois considérés comme des
commensaux des follicules pileux, pouvant devenir pathogènes. Le milieu ambiant
n'est pas une source de parasites. La transmission ne peut être que directe.
Elle ne se fait pas à tout âge, mais durant les premières heures de la
vie.
Mode de
transmission
Elle se réalise par le contact du museau de la mère
ou de la peau des mamelles avec les petits, lors du toilettage ou de
l'allaitement. Il n'y a pas de contamination intra utérine.
Conditions d'apparition de la
maladie
La plupart des chiens en bonne
santé hébergent des Demodex. Ces derniers sont retrouvés au niveau des lèvres
supérieures et inférieures, des paupières, et des joues. Cependant, seuls les
chiots entre 0 et 1 an (rarement après trois ans) et quelques chiens âgés vont
présenter une démodécie clinique, pourquoi ?
Des facteurs de réceptivité,
facteurs héréditaires et extrinsèques interviennent :
- Facteur racial : certaines races sont plus
atteintes, et dans 80 % des cas, la démodécie s'observe sur des chiens de race.
Il s'agit le plus souvent d'animaux caractérisés par un pelage court, des
glandes sébacées de grande taille, et/ou une tendance séborrhéique. La séborrhée
peut être d'origine raciale, mais peut aussi avoir une origine nutritionnelle
(alimentation hyperlipique) ou endocrinienne (hypothyroïdie, syndrome de
Cushing).
- Facteur héréditaire : des reproducteurs
engendrent des lignées de chiots démodéciques : portées au sein desquelles une
majorité des chiots auront une démodécie. Cette prédisposition héréditaire est
sous-tendue par des facteurs immunitaires. Il s'agit d'une immunodéficience de
la fonction cellulaire.
Age : la démodécie s'observe essentiellement
entre 3 mois et 3 ans. C'est typiquement une maladie du jeune chien. Dans le cas
des chiens adultes, des facteurs prédisposant sont toujours retrouvés :
immunodépression (corticothérapie), Cushing, hypothyroïdie, chimiothérapie
anticancéreuse, maladie auto-immune (lupus), mais aussi variations
physiologiques telles que l'œstrus, la gestation, ou la lactation.
- Etat immunitaire : l'apparition de la
démodécie est liée à une déficience immunitaire, en particulier de la réponse
cellulaire. Des administrations de sérums antilymphocytaires, de substances
immunosuppressives, ou de corticoïdes, ont permis de déclencher des démodécies
sur des chiens sains. L'exploration de l'immunité des chiens démodéciques montre
une diminution fonctionnelle des lymphocytes T, et à l'inverse une prolifération
des lymphocytes B avec une production importante d'anticorps.
L'immunosuppression est amplifiée lors d'une surinfection bactérienne.
- Facteurs favorisants : hygiène de la peau : l'humidité favorise la multiplication
des Demodex (humidité des chenils, ou à l'opposé bains trop fréquents,
irritants).
- Maladies intercurrentes : conjonctivite avec
écoulement lacrymal (chiots ayant une mauvaise implantation ciliaire),
ptyalisme, toxocarose (effet immunodépresseur), gale sarcoptique.
- Carences alimentaires : quantitatives
(malnutrition à l'origine d'une immunodépression ou, au contraire, excès
lipidique et protidique à l'origine d'une séborrhée grasse), ou qualitatives
(carences en vitamines B, A ou E, en Acides Aminés Soufrés, intervenant dans la
défense cutanée).
Démodécie
localisée
Elle est de pronostic
favorable, surtout lorsqu'elle apparaît sur des chiots déjà âgés (proches de 1
an). Elle n'est pas généralisée tant que le nombre de lésions est inférieur à 4
ou 5, qu'elles ne sont pas étendues à une région entière de l'animal, ou qu'il
n'y a pas de surinfection bactérienne, d'où son qualificatif de démodécie sèche.
Elle représente 90 % des cas de démodécie.
L'évolution chronique
se traduit par une hyperkératose (peau épaissie, plissée), de la mélanose
(coloration grisâtre), de la séborrhée (très forte odeur). Le chien a un aspect
repoussant.Une profonde altération de l'état général du chien est visible :
adénomégalie, amaigrissement, anorexie, apathie, insuffisance rénale (résorption
des toxines bactériennes). Les lésions intéressent souvent le pourtour des yeux
(donnant un aspect très caractéristique de lunettes ou monocle démodéciques), la
commissure des lèvres, le chanfrein, le cou, puis le poitrail et les membres
antérieurs. Un érythème apparaît, la peau est congestionnée. La congestion a
valu le nom de "gale rouge". Des dépilations nummulaires, d'environ 5 cm de
diamètre, plus rarement diffuses, accompagnées de séborrhée grasse, malodorante
et de parakératose (squamosis) apparaissent et s'étendent.
Les follicules
pileux sont obturés, et hypertrophiés par une hyperproduction de sébum, d'où la
formation de comédons et la sensation d'une peau granuleuse au toucher (lésion
de kératose folliculaire). La démodécie sèche n'est jamais prurigineuse. La
démodécie localisée évolue spontanément vers la guérison en 1 à 2 mois dans 90 %
des cas, et vers la démodécie généralisée dans environ 10 % des
cas.
Démodécie
généralisée
La démodécie généralisée
est définie soit par le nombre de lésions dépilées : supérieur à 5, soit par une
extension des lésions à l'ensemble d'une région du corps, à tout le corps ou à
au moins deux extrémités podales, soit enfin par l'apparition d'une complication
bactérienne (pyodémodécie). Cette forme s'observe dans plus de 80 % des cas chez
des chiens de pure race.
Elle évolue vers la guérison spontanée dans
moins de 30 % des cas. Son traitement est difficile et long, durant de 2 à 3
mois au minimum. La pyodermite superficielle qui apparaît, est caractérisée par
la présence de nombreuses pustules blanchâtres saillantes. Elles correspondent à
des follicules pileux infectés et hypertrophiés, contenant un mélange de sébum
et de pus, blanc, très riche en Demodex canis. Les germes responsables
sont le plus souvent des Staphylococcus intermedius
(staphylodémodécie).
La pyodermite profonde (furonculose bactérienne puis
cellulite bactérienne, qui peut apparaître, se caractérise par une extension de
l'infection des follicules au derme après rupture de leur paroi. Des furoncles
de couleur aubergine, en dépression, et contenant un pus sagnieux et mesurant 5
mm de diamètre sont visibles. Ce pus est pauvre en Demodex. La
pyodémodécie est parfois prurigineuse. L'évolution chronique se traduit par une
hyperkératose (peau épaissie, plissée), de la mélanose (coloration grisâtre), de
la séborrhée (très forte odeur). Le chien a un aspect repoussant. Une profonde
altération de l'état général du chien est visible : adénomégalie,
amaigrissement, anorexie, apathie, insuffisance rénale (résorption des toxines
bactériennes).
Il repose sur l'observation d'une dermatose
dépilante non prurigineuse avec érythème, squamosis, et localisation
caractéristique, sur un jeune chien.
La démodécie sèche
C'est une dermatose non prurigineuse à différencier des
dermatoses autoimmunes de type pemphigus, d'une alopécie d'origine
endocrinienne, d'une affection oculaire ou conjonctivale entraînant une
dépilation périoculaire, mais surtout d'une teigne microsporique. Ces deux
maladies affectent surtout les jeunes chiens, et peuvent coexister.
La démodécie
suppurée
Elle est à différencier de
l'impétigo du jeune chien (" croûtes de lait "), des pyodermites superficielles,
des furonculoses et des teignes suppurées (trichophytiques).
La démodécie chronique
Aavec une profonde altération de l'état général, elle peut
cliniquement ressembler à une leishmaniose. Le diagnostic nécessite une
confirmation par raclage cutané ou pressage de pustules, puis observation du
prélèvement entre lame et lamelle, dans le lactophénol d'Amann, à l'objectif 10.
Les parasites s'éclaircissant rapidement, il est important de bien diaphragmer
et de les rechercher immédiatement. Le raclage peut également être placé dans de
l'huile minérale. Les Demodex observés doivent être nombreux, des œufs et des
formes immatures doivent être mises en évidence pour distinguer un portage sain
d'une démodécie clinique. Ils sont parfois mis en évidence par biopsie et examen
histologique. Ce dernier ne présente pas d'intérêt diagnostic, excepté chez
certains chiens comme les shar-pei.
Démodécie
localisée
La nécessité d'un traitement
immédiat doit être discutée du fait du fort taux de guérisons spontanées. Un
traitement est conseillé si l'animal ne peut être suivi. Dans le cas où une
surveillance est possible, il doit être mis en œuvre lorsqu'une lésion
supplémentaire apparaît, prouvant une extension.
1 pipette d'advocat, 1 fois par mois pendant 4 mois
Démodécie généralisée
Un traitement s'impose, il associe un traitement antibactérien
et acaricide. La guérison est obtenue dans 50 à 90 % des cas. L'amitraze est
l'acaricide le plus actif sur les Demodex. Il est dilué dans de l'eau à
la concentration de 0,5 pour mille, puis est appliqué sur le chien en dépassant
largement les zones lésées à raison d'une application tous les deux jours la
première semaine, puis une fois par semaine pendant 1 à 2 mois. Une amélioration
clinique est habituellement notée 3 semaines après le début du traitement. Une
tonte est parfois nécessaire sur les chiens à poils longs. Un suivi de
l'évolution, par raclage cutané, doit être effectué chaque semaine. Le
traitement est poursuivi 2 semaines après la négativation des
raclages.
Un traitement adjuvant antiséborrhéique à base de shampoing est
indiqué. De la vitamine E et des Acides Gras Essentiels peuvent être donnés.
Lors de pododémodécie, le traitement nécessite des bains des extrémités dans la
solution acaricide, et la rémission des symptômes est plus
longue.
Dans le cas des animaux qui rechutent à la fin de
chaque traitement acaricide, ou qui ne présentent pas d'évolution clinique
malgré la thérapeutique, l'emploi des endectocides peut être envisagé.
L'ivermectine est employée pour le traitement des démodécies rebelles, en dehors
de l'A.M.M., chez les races non sensibles à cette molécule. Une posologie de 600
µg/kg/jour par voie orale pendant au moins 10 semaines est
utilisée.
La prophylaxie de la démodécie est très
limitée. Elle consiste à éviter toute immunodépression passagère chez les chiots
: ne pas utiliser de corticoïdes avant 1 an, bien vermifuger, ne pas trop
baigner les animaux, lutter contre les pulicoses...
Du fait du caractère
héréditaire, les chiens, mâles ou femelles, qui ont présenté dans leur jeune âge
une démodécie généralisée, ne devraient pas devenir des reproducteurs. Les
reproducteurs qui engendrent des portées au sein desquelles plusieurs chiots
présentent une démodécie doivent être retirés de la reproduction.